Comment s'orchestre notre attention? Quel est son centre, d'où partent nos points de vue? De ces questions semblent découler les recherches de Katinka Bock; déployées dans l'espace, avec pour motif récurrent le cercle, ces oeuvres trouvent toujours un prolongement dans des questions politiques, symboliques ou historiques. En tentant de délimiter l'espace, de scruter les niveaux de territoires, d'entourer des zones, de redéfinir les points focaux, Katinka Bock questionne les systèmes de références, les structures fondamentales qui organisent aussi bien l'activité sociale que la pensée politique.

Les interventions de l'artiste, fréquemment dans les espaces publics, pointent ainsi des questions de genre, de culture dominante, ou de relation à l'histoire. En instaurant un décalage des systèmes de référence, c'est une relation renouvelée au monde que l'artiste semble inaugurer.

Lors de sa résidence, Katinka Bock envisage d'intervenir directement dans le paysage, partant du constat que celui-ci est largement modelé par l'activité humaine, et notamment les préoccupations de défense du territoire qui ont motivé la construction de remparts ou la création d'étangs.

"Le paysage du parc naturel de Lorraine incite à une réflexion sur le rapport entre la terre et le ciel, donc sur l'horizon. L'horizon est la frontière entre ici et là-bas, il est là où le ciel et la terre se touchent. L'oeil du visiteur de la région aperçoit des champs, des allées de cerisiers, des vallées, une montée, une descente, un village, des animaux et des pommiers sur la plaine. Il n'y a pas d'obstacle inattendu, pas de spectacle. Le grand ciel est partout et l'horizon dessine une courbe douce. La nature ne semble pas sauvage, mais domestiquée et modeste, le paysage, beau et lisse se répète. La répétition de la prairie et de la mer?

Winnetou et le capitaine Ahab sont les observateurs de l'horizon. Ici et aujourd'hui l'horizon n'apporte pas de nouvelle, pas de menace, pas de découverte inattendue. L'horizon y est partout et nulle part. Pourtant l'horizon à été observé, la terre défendue et échangée entre des pays pendant des siècles. La frontière avec l'Allemagne n'est pas loin. C'est une région avec des bases militaires et des terrains de manoeuvres. Les militaires sont des spécialistes de l'horizon et des trous (entre autres). La terre de la région enferme des richesses. On y a creusé des trous et trouvé du sel. Les noms de villages évoiquent cette période faste de 'l'économie du sel' qui est aujourd'hui investiguée par les archéologues. Eux aussi, à présent, ils creusent des trous."

Katinka Bock, Texte préparatoire à la résidence, mai 2006